LAOS ET SES LEGENDES
L'histoire de la plupart des nations est souvent précédé par une légende, un mythe qui explique lorigine du peuple ou celle des premiers rois. La période légendaire de lhistoire de la Chine débute par le mythe du patriarche Phan Ku ; celle du Japon par celui de la Déesse du Soleil Amatesaru ; de la Thailande par celui du roi KhamDèng et de laubergine merveilleuse ; du Cambodge par celui du Nagaraja ; du Vietnam par celui du Con Rông Chau Tiên ou de la Descendance des Dragons et des Immortels., enfin du Laos par le mythe de Khoun Bourôm.
Daprès le Nithan (récit) Khoun Bourôm (Nithan Khoun Bourôm par Maha Sila Viravongs et Nouan-Outhen sakda (Vientiane, 1967, pp.16-33) (Histoire de Khoun Bourôm), le Phongsavadan hèng pathet Lao (Phongsavadan heng Pathet Lao auteur anonyme, (Edition du Gouvernement, Hanoï, 1927, pp.4-8) (Annales du Laos).
Légende de Khoun
Bourôm:
Le Phongsavadan muong Luang-Prabang (Annales de Luang-Prabang), le mythe de
Khoun Bourôm peut se résumer comme suit :
Aux premiers temps du monde, le Ciel et la Terre communiquaient. Au ciel régnait Phagna Thène ou Dieu du Ciel ; sur la terre les trois chefs Khoun Khêt, Khoun Khan et Khoun Pou Lang Seung. Les hommes vivaient de chasse et de pêche.
Phagna Thène leur ordonna de lui offrir une part de leurs proies :
-Kin khao hay bok may
-Kin ngaï hay bok Thène
-Kin xin hay song kha
-Kin pa hay sông hoy
(Quand vous mangez du riz, quand vous prenez le repas du matin, il faut
invoquer le Dieu du Ciel quand vous mangez de la viande, il faut lui envoyer la
cuisse du gibier; quand vous mangez du poisson, il faut lui en envoyer des
brochettes)
Le Roi du Ciel, Phagna Thène. réclama sa part à plusieurs reprises, mais en vain. Pour les punir, il provoqua un déluge. Les trois Khoun, ayant prévu la catastrophe, construisirent un grand radeau pour sauver leurs familles. Portés par les eaux, ils arrivèrent au Royaume du Ciel, présentèrent leurs excuses au Phagna Thène qui les autorisa à y rester pendant le déluge.
Quand les eaux baissèrent, la terre réapparut, et les trois Khoun demandèrent à se retirer, Phagna Thène leur fit présent dun buffle. Dès leur retour du Ciel, Khoun Khêt, KHoun Khan, Khoun Pou Long Seung se fixèrent à Na Noï Oy Nou appelé encore Muong Theng ou Muong Loum (Pays dEn-Bas). Avec leur buffle, ils commencèrent à cultiver la terre.
Trois ans après, le buffle mourut ; de ses narines sortit une liane qui porta corne fruits trois « nam tao pung » ou calebasses dune grosseur extraordinaire. Un jour, pendant que Khoun Pou Long Seung travaillait le fer au marteau dans sa forge, il entendit des voix humaines dans ces calebasses. Avec un fer rouge, il perça lune delles. Aussitôt des hontes se pressèrent pour en sortir.
De son côté, Khoun Khan prit un ciseau pour perforer dautre trous dans les autres calebasses. Des hommes en sortirent ainsi durant trois jours et trois nuits consécutifs. Ceux qui sortirent du trou pratiqué par le fer rouge étaient barbouillés de suie noire : ce sont les ancêtres des Kha. Ceux qui passèrent à travers les entailles du ciseau avaient le teint clair : ce sont les ancêtres des Thai (Le mot Thai désigne tous ceux qui parlent la langue Thai, tandis que le mot Thai est employé pour désigner les habitants du Siam (Thailande)). Ces deux races Kha et Thai se sont partagé le Laos et y ont vécu jusqua nos Jours.
Les trois chefs Khoun Khêt, Khoun Khan et Khoun Pou Lang Seung leur enseignèrent lart de construire des maisons, le respect des parents, les rites du mariage et des funérailles pour les Thai, il convient de brûler les morts pour les kha, de les enterrer ; puis il fallait dresser une petite maison et y apporter chacque jour du riz et de leau pour offrir aux mânes. Certains préféraient dresser un petit autel chez eux pour faire des offrandes.
Mais bientôt les Thai et les Kha se mu1tipièrent si bien que les trois Khoun ne purent les gouverner convenablement. Ils demandèrent au Roi du Ciel de les aider. Celui-ci envoya Kboun Khau et Khoun Khong pour les aider à gouverner Muong Loum. Ces deux derniers ne réussirent pas non plus. Alors, le Roi du Ciel les rappela pour envoyer sur terre un homme de vertu appelé Khoun Bourôm (daprès une autre version, Khoun Bourôm serait le fils de Phagna Thêne).
Pour préparer la descente de Khoun Bourôm, sur la terre, le Roi du Ciel y expédia Thène Ten et Phissanukan pour enseigner aux hommes 1agriculture et la fabrication des matériels agricoles. Puis par un jour faste, Kboun Bourôm descendit du Ciel sur le dos dun éléphant aux défenses entrelacées (Naga kieo. Naga kot) avec à ses côtés ses deux femmes Ed Khèng et Yam Mapala ; et Sa suite les ministres Khoun Thammarat, Seng Manosat, Oun Khli.
Devant Khoun Bourôm marchaient Pou Thao Gneu et sa femme Mè Gna Ngam. Ils descendirent à Na Noi Oy Nou. Thène Ten et Phissanukan remontèrent au Ciel pour rendre compte Phagna Thêne de leur mission. Alors le Roi du Ciel saperçut quil avait oublié denvoyer aux hommes un spécialiste pour leur enseigner la musique. Il dépêcha donc Sikhanthap (Gandabba) à ce dessein.
Pendant que le roi Khoun Bourôm organisait ladministration du Muong Loum, on vit pousser une liane (khua khao kat) qui séleva rapidement et très haut dans le ciel et couvrit toute la terre de son ombre. Les hommes durent vivre dans lobscurité et sous un climat froid. Khoun Bourôm, donna lordre quon coupât cette liane mais personne nosa le faire au risque de sa vie.
Enfin les deux époux Pou Thao Gneu et Mè Gna Ngam sengagèrent à accomplir cette tache périlleuse en stipulant que s'ils périssaient, ils recevraient des offrandes et que leur nom serait invqué au début des repas et avant toute entreprise. Tout le monde sy engagea. Pou Thao Gneu et Mè Gna Ngam attaquèrent la liane à coups de hache. Après trois mois et trois jours, la liane fut coupée, tomba et les écrasa dans Sa chute.
Le soleil réparut et les homes purent de nouveau reprendre leurs activités et retrouvèrent la prospérité dantan (Dès lors pour tenir lengagement, il est dusage dinvoquer "Ma Gneu, Kin Gneu" (Ma=venir ; Kin=manger) avant de commencer un travail ou de se mettre à table.
Pendant les fêtes du Pi May ou Nouvel An Laotien, Pou Gneu Gna Ngam sont représentés dans une danse avec dénormes masque). Plutard, leurs nom se transforment en "Pou Gneu Gna Gneu".
Khoun Bourôm ordonna quon fît des rizières et apprit à ses sujets à manger les pousses de bambou, les tubercules. Il choisit les meilleurs hommes pour être chefs et les plus vertueuses et vaillantes des filles pour être femmes de ses sept fils, nés de Nang Ed Khèng : Khoun Lo, Kboun Gni Pha Lang, Khoun Chou Sông, Khoun Chêt Chuong ; de Nang Yan Mapala : Khoun Say Phông, Khoun Ngoa In, Khhoun Lôt Kôn.
Il répartit alors les Thai et les Kha, descendants des trois
calebasses magiques en sept groupes et chacun deux eut comme roi un de
ses fils. Lorsquun jour faste put être trouvé, Khoun
Bourôm réunit les sept princes et leurs compagnons quil fit
sasseoir autour de lui pour leur faire les recommandations suivantes,
avant de les envoyer conquérir et gouverner sept régions aux
alentours du Muong Theng :
"Je veux que vous deveniez tous des rois vertueux et aimés de votre
peuple ; que vous vous aimiez mutuellement ; que vous vous conduisiez de telle
manière que vos sujets se considèrent comme membres dune
même famille ; que les riches aident les pauvres ; que vous consultiez
votre cour avant de prendre une décision importante ; et surtout, que
vous veilliez à ne jamais vous combattre".
"Ne tuez pas vos femmes pour des fautes. Telle est la volonté du
Roi du Ciel. Les femmes sont les premières qui soient nées ; les
tuer attirerait le malheur sur votre royaume et provoquerait sa ruine".
"Celui qui respectera mes recommandations aura un bonheur durable pour
toute sa race, et ceux qui les auront oubliées, périront".
Puis Khoun Bourôm sadressa aux reines, épouses de ses
sept fils:
"Couchez-vous après vos maris et soyez les premières
à vous lever chaque matin. Sachez deviner leurs intentions.
Nattendez pas quils ordonnent pour préparer le repas, les
tissus. Occupez-vous des serviteurs, des champs, des rizières de vos
maris. Ce que vous entendez dans votre foyer, ne le communiquez point aux gens
du dehors. Ce que vous entendez au dehors, ne le répétez pas chez
vous".
"Soyez tolérantes envers les méchants aussi bien qu envers
les bons dans votre maison. Réfléchissez bien avant de donner
votre avis à vos maris ; agissez suivant votre conscience".
"Dans les territoires où vous serez appelées à
gouverner avec vos maris, ayez deux ou trois amies pour vous conseiller.
Lorsque leurs conseils vous semblent contraires à votre jugement,
réfléchissez bien avant de vous prononcer".
"Quand les rois, vos époux, sont en train de juger quelquun,
nintervenez pas pour les faire changer de décision".
"Ne disposez que des biens de vos maris. Naimez pas un autre
homme".
Puis s'adressant à tous, Khoun Bourôm conclut :
« Etant des créatures humaines, ne cherchez pas à dissimuler
votre propre nature, ne mentez pas quand vous parlez de ce que vous
possédez. Ne vous enivrez jamais ; ne fumez pas lopium, chose
honteuse. Imitez Bouddha, notre Maître, qui porte secours aux malheureux,
aux pauvres, qui fait laumône sans attendre quon le lui
demande ».
Après la cérémonie solennelle du sacre de ses fils,
Khoun Bourôm prit des feuilles dor pour y marquer les noms des
régions où les sept Rois iraient gouverner :
1. Khoun Lo, laîné, règnerait au Muong Swa Lan Xang.
2. Khoun Gni Pha I.ang, au Muong Lo .
3. Khoun Sây Phông, au Muong Yoan Nhô.
4. Khoun Chou Sông, au Muong Chulani
5. Khoun Ngoa In, au Muong Yôthiya .
6. Khoun Lôt Kôn, au Nuong Sieng Khôm Nhodsa .
7. Khoun Chêt Chuong, au Muong Phouan. ( Cette division paraît
indiquer outre Luang Prabang, (Muong Swa Lan Xang), le YunNan, le LanNa Xieng
Sen, le Nghê An, le Sien, les Sipsongphanna et le Trân Ninh ).
Enfin, Khoun Bourôm donna ses dernières recommandations : « Amassez les biens et répartissez-les de la façon suivante mettez de côté une part pour aider le peuple en cas de disette et donnez une part aux bonzes, une part aux chefs qui vous aideront dans la conduite des affaires, une part aux aveugles et aux paralytiques ; gardez une part pour la défense du pays contre linvasion des voisins et une part pour les exilés qui viendront vous demander de les accueillir. « Si vous recevez des présents, rendez-en dégaux ».
De toutes les versions écrites sur Khoun Bourôm, la plus ancienne, précise Maha Sila Viravong dans son Vannakhadi Lao (Littérature laotienne) (Vannakhadi Lao par Maha Sila Viravongs (Vientiane, 1960, p.52), a été écrite en 1503 par Maha Thep Louang sous le règne du roi Visounarad (1501-1520).
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